Comme certains d’entre-vous l’ont peut-être remarqué, je vis à l’Ile Maurice depuis quelques années. J’en ai profité pour découvrir la culture littéraire mauricienne et suis tombé sur Polyte de Savinien Meredac, considéré comme un chef d’oeuvre local.
L’histoire est celle de Polyte, pêcheur bourru du Nord de l’Ile. Il vit dans une petite case avec sa femme dont il désespère de ne pas avoir d’enfant. Sauf que le jour où elle tombe enceinte, il est persuadé que le bébé n’est pas de lui… Le pêcheur tombe alors dans un doute permanent qui ne s’arrangera pas au long du récit.
Ce que j’ai aimé dans le livre: les descriptions de l’univers de Polyte. On est totalement immergé dans le Nord de l’Ile Maurice, au bord de la plage, dans la petite case vétuste du pêcheur. Son quotidien, rythmé par ses sorties sur la mer tôt le matin, sont aussi très bien décrites. La relation entre le personnage principale et sa femme, ou plutôt l’indifférence, est aussi bien mise en avant.
Au niveau du personnage principal, Polyte, on est ici dans le cas où le lecteur n’éprouve aucune sympathie pour lui. Toutefois, on se prend de fascination pour lui, par sa rudesse, son antipathie et même son racisme envers les hindous de l’île. Et, cela a été mon cas, on attend une sorte de rédemption, de catharsis, où il pourra enfin révéler ses bons côtés… Mais non. Polyte n’est pas ce genre de personne. Son travail et la mer sont sa raison de vivre et ce qui l’anime. L’enfant qu’il aura ne suffira pas à l’apaiser et ne le changera pas. Sa conviction que son fils est “un bâtard” l’empêchera de créer le moindre lien affectif avec lui. Pourtant, son enfant fera en sorte de se faire accepter et tentera par tous les moyens, de prouver à Polyte qu’il peut compter sur lui et de gagner son respect.
J’ai apprécié aussi, et cela est très personnel, cette plongée dans les décors, la culture, la langue de l’Ile Maurice. Vivant là depuis 4 ans, cela fait chaud au coeur de voir, si bien décrit, un pays et une culture qu’on aime. L’auteur dépeint à merveille la situation de l’Île pendant la première moitié du 20e siècle, avec, notamment, le brassage des cultures avec l’arrivée des travailleurs d’Inde pour développer le pays. Ce livre vaut la peine d’être lu pour l’écriture et pour les descriptions. L’histoire, à mon sens, n’est pas vraiment prenante et est sauvée par la plume de Mérédac.
En conclusion, ce roman parlera surtout aux personnes qui, comme moi, connaissent l’Île Maurice et, ou, souhaitent se plonger dans son histoire. Il ne s’agit pas d’un livre avec une intrigue qui laisse le lecteur en apnée, avec des “cliffhangers” et des rebondissements à chaque chapitre. C’est vraiment une photo de l’Île Maurice, prise par un vieux pêcheur. Ce livre est assez court, moins de 200 pages, et, par les descriptions, vous apportera le soleil des îles, à défaut d’une histoire à couper le souffle.